Il existe une grande différence de perception de Google entre les SEO professionnels et le grand public ou les annonceurs. La plupart des annonceurs pensent, en toute bonne foi, que Google est leur allié pour leur visibilité sur le web, tandis que les référenceurs sont bien conscient que Google a la fâcheuse habitude de faire n’importe quoi, sans tenir compte des intérêts des éditeurs de sites, ni des utilisateurs du moteur de recherche.

Vous êtes confronté d’une part aux changements incessants de directives de la part de la firme de Mountain View : taille des descriptions, ancres de liens, utilisation des formats AMP, structure d’url, intérêt du sitemap XML, pagination, … Les exemples sont trop nombreux pour en faire une liste exhaustive ici. Dans tous ces cas de figure, le manque de transparence de Google est proprement scandaleux vis-à-vis des éditeurs de sites.

Un exemple emblématique ? En 2011, Google incite fortement les éditeurs de site à utiliser les balises prev/next pour indiquer une suite de pages paginées. Ces balises ne sont utiles que pour Google, elles sont essentiellement destinées à aider le crawler à comprendre la cohérence d’une suite de pages paginées lors du passage du robot. Les référenceurs, bon élèves, font en sorte d’utiliser ces balises pour plaire au moteur de recherche. Jusqu’à ce qu’en 2019, une annonce d’un officiel de Google nous informe que ces balises ne sont plus prises en compte par Google depuis de nombreuses années (on n’aura jamais la date exacte de l’arrêt de l’utilité de cette balise). En réalité, après une enquête des SEO, il apparaît que la balise est toujours utile, indirectement du moins. Une information que Google se garde bien de fournir aux éditeurs de sites lors de cette annonce fracassante.

Aujourd’hui ce manque de transparence passe un nouveau cap, à la fois en SEO et en SEA, puisque Google se permet de prendre la main sur l’un des éléments essentiel de votre visibilité en ligne : les méta-titles, les titres des pages qui sont visibles directement dans les SERP et qui vous permettent de présenter votre page aux internautes et de les inciter à cliquer sur votre résultat de recherche.

Le titlegate : un scandale qui révèle une tendance très ancienne

Le “titlegate” est le nom qu’a donné la communauté SEO à la liberté que prend Google de réécrire vos balises titles comme il le souhaite pour les afficher dans la SERP. Cette pratique est très ancienne, les premiers cas remontent à plus de 10 ans. Jusqu’ici cependant, elle concernait des balises titles qui étaient considérées par le moteur de recherche comme étant très peu qualitatives (notamment les titres spammy, ou les titres qui n’avaient aucun rapport avec le contenu réel de la page). Ces modifications, à la marge, n’étaient donc pas un réel problème pour le référencement des sites. Elles permettaient en plus aux utilisateurs d’avoir des résultats de recherche plus cohérents avec le contenu des pages disponibles.

Et puis, comme à son habitude, Google décide de changer un système qui fonctionnait bien, sans en avertir les éditeurs de sites, qui découvrent un beau matin du mois d’août 2021, qu’une modification massive des balises de titres visibles dans les pages de résultats de recherche a eu lieu. Plusieurs études sont lancées par les SEO pour comprendre l’impact de la modification, et les résultats sont alarmants : selon les résultats de celles-ci, ce sont entre 40% et 77% des toutes les pages indexées par Google qui voient leur titles être modifiées librement par Google.

Ratio de réécriture des Titles par thématique d'après l'étude de Mordy Oberstein

Bien sûr, les données de terrain ne concordent pas avec le discours officiel de Google, qui indique que seuls “13% environ” des titles sont retouchés dans les SERPs depuis leur mise à jour du mois d’août. Ce qui est fort possible, puisque les référenceurs se concentrent sur les pages qui comptent (qui génèrent du chiffre d’affaires pour le client), tandis que Google donne un chiffre qui s’applique à l’ensemble des pages web indexées par son moteur.

La vraie question qui se pose, c’est l’utilité pour l’utilisateur de ces réécritures. Et là, on est bien obligé de constater le désastre, car l’intelligence artificielle de Google fait n’importe quoi. L’exemple que l’on voit partout en ce moment, c’est la réécriture du title de la page relative à Joe Biden sur le site de la maison blanche. Je vous laisse juger sur pièce :

Exemple du titlegate relatif à Joe biden

Oui, Google juge pertinent de faire repasser Biden au statut de vice-président. L’efficacité du retraitement des titles est visiblement au point pour Google.

Un autre exemple :

Exemple de title retouchée par Google

Pourquoi afficher la title rédigée par l’auteur de la page quand on peut lui préférer le titre d’une image prise telle quelle, avec tous les tirets ?

Un autre exemple sans doute plus pertinent :

Exemple de réécriture de title par Google

Ici, Google préfère choisir comme titre le fil d’ariane présent sur la page. Cela présente au moins un avantage pour l’internaute, il connaît le nombre total de produits présents dans le catalogue du site. On pourrait dire que contrairement aux deux autres exemples, il s’agit “presque” d’une bonne réécriture de la part du moteur de recherche.

Est-ce grave que Google réécrive vos titres ?

Malheureusement, pour tous ceux qui travaillent réellement leur SEO la réponse est oui. Car contrairement à ce qu’on peut lire un peu partout, les internautes lisent les contenus sur internet, et a priori les résultats de recherche, avant de choisir sur quels liens cliquer. Ils lisent souvent vite, en diagonale, mais ils lisent quand même.

J’en veux pour preuve plusieurs éditeurs de sites qui témoignent d’une baisse importante du CTR (taux de clics sur les résultats de recherche) sur certaines de leurs pages clés, et donc d’une réduction de trafic conséquente. D’après une étude de Wordstream (une solution de webmarketing), ils ont assisté à une chute de 37% de leur CTR après une réécriture de leur title par Google, car le titre affiché n’était plus conforme à la recherche de l’internaute.

Pour aller plus loin dans l’analyse, essayons de comprendre ce que représente une baisse de 37% du CTR sur votre résultat.

Imaginons : vous avez travaillé d’arrache pied pour positionner un de vos produits en haut de l’index Google sur la requête la plus importante, disons “chaussette bleue”. Supposons que le volume de recherche sur cette requête soit de 1000 recherches par mois.

Grâce à votre première position sur “chaussette bleue”, vous afficher un CTR d’environ 50% sur la requête, ce qui vous permet de cumuler environ 500 clics tous les mois sur cette page produit. Supposons encore que votre site affiche un taux de transformation de 10% sur les chaussettes, que vous vendez 10€ l’unité. Avec votre position actuelle, vous générez donc environ 500 euros de chiffres d’affaires tous les mois grâce à ce produit, soit 6000€ annuels.

Maintenant, Google décide de faire n’importe quoi et d’afficher une autre title, qui plaît moins aux internautes, et qui fait décroitre votre CTR de 37%. Avec un CTR initial à 50% des recherches, votre page ne récolte désormais plus que 31% des clics sur la requête principale “chaussette bleue”.

Quelles sont les conséquences de cette réduction ?

  • Au lieu de 500 clics mensuels sur votre page, vous ne récoltez plus que 310 clics.
  • Toutes choses égales par ailleurs, vous ne réalisez plus que 31 transformations par mois sur votre produit.
  • Vous générez désormais 310€ par mois grâce à votre produit “chaussette bleue”.
  • Au lieu de générer 6000 euros annuels avec votre produit, vous ne vendez plus que pour 3720€ de chaussettes bleues (sans compter la perte du à l’absence de cross-selling et la perte graduelle de notoriété pour votre marque).

Le but de ce petit calcul est de faire prendre conscience à chacun que le CTR est bien directement corrélé au montant de chiffre d’affaires généré. Imaginez maintenant que cette réécriture touche une dizaine ou une centaine de vos produits les plus intéressants, et vous comprendrez la gravité de la réécriture des titles.

Que peut-on faire pour se prémunir de la réécriture des titles ?

Réponse courte aujourd’hui : rien. Malheureusement, nous n’avons pas de preuves claires sur les critères qui poussent l’IA de Google à réécrire vos titles à la volée. La seule chose que l’on puisse faire lorsque c’est le cas, c’est de réécrire la title différemment et d’indiquer dans la Search Console que vous souhaitez une réindexation de votre page.

Généralement, Google se contente de sélectionner votre H1 ou une H2 de la page pour la faire apparaître à la place de la balise title. Lorsque c’est le cas, vous pouvez jouer sur votre structuration Hx pour essayer de le forcer à faire apparaître la balise title qui vous intéresse dans la page de résultats de recherche.

Lorsque vous voulez empêcher Google de reprendre une partie de votre page pour construire un titre loufoque, vous pouvez essayer d’utiliser la balise “data-nosnippet” pour interdire à Google d’utiliser le contenu indiqué. Attention, cette méthode est à double tranchant, car Google pourra alors choisir une autre chaine de caractère sur la page, parfois encore moins qualitative que ce que vous avez essayé de corriger.

Heureusement, les outils SEO s’adaptent vite, et certains d’entre eux proposent déjà des outils pour mesurer la différence entre vos balises title écrites et celles qui s’affichent dans les résultats de recherche. Grâce à ces outils, il sera possible de monitorer les différences et d’essayer de sauver la situation sur les pages les plus stratégiques pour chaque site.

Est-ce que Google devient une boîte noire qui se permet n’importe quoi ?

Oui. Ce type de scandale survient quelques mois après la suppression d’une large partie des “termes de recherche” en SEA, termes de recherches qui étaient très utiles au gestionnaire compte pour cibler au mieux les mot-clés rentables pour leurs clients. Google veut ainsi inciter les annonceurs à l’utilisation de leurs outils automatisés, qui permet surtout d’augmenter les dépenses publicitaires de l’annonceur et ainsi d’augmenter le chiffre d’affaires généré par Google.

Aujourd’hui aux Etats-unis explose un nouveau scandale, celui de la manipulation des enchères (secrète) par Google sur le réseau display pour augmenter les dépenses des annonceurs, ainsi qu’une entente illégale entre la firme de Mountain View et Facebook pour se protéger mutuellement. Nous reviendrons prochainement sur le scandale “Bluejedi” actuellement en cours, qui dévoile une partie des pratiques frauduleuses graves du géant américain.

La situation monopolistique de la firme de Mountain View devrait inquiéter la CNIL, mais visiblement cette dernière préfère mettre en place des politiques de protection des données utilisateurs qui se font principalement aux détriments des PME et de l’ensemble des annonceurs qui se battent avec un budget marketing limité. Là encore, nous reviendrons sur les nombreuses incohérences d’un système qui crée un fossé toujours plus grand entre les multinationales très puissantes et les acteurs de taille modeste du tissu économique français.